Fantastique - Fantasy - Science fiction

La mission d’Ilan

Temps de lecture estimé : 4 minutes

Comme tous les dimanches, Ilan part faire son footing. Par cette belle journée ensoleillée, il choisit d’aller courir dans la forêt de Rambouillet. Détendu, il profite pleinement du spectacle et remplit ses poumons d’un air frais et revigorant.

Soudain, une légère brise pénètre les bois. Il s’arrête et écoute attentivement. Un murmure se répand. Puis, tout s’agite autour de lui : les lapins détalent, les oiseaux s’envolent, les biches s’affolent, les écureuils se cachent, et le chuchotement s’intensifie. Ilan est aux aguets mais il poursuit son chemin. Il débouche sur une clairière baignée d’une étrange lumière blanchâtre.

Dans un bruissement délicat, les arbres s’écartent et accueillent, dans une gracieuse révérence, un grand chêne centenaire accompagné par de magnifiques spécimens arboricoles : hêtres, séquoias, baobabs, érables.

Ilan, les yeux écarquillés, regarde ce surprenant ballet.

  Bienvenu à toi Quercus Le Grand ! dit un séquoia géant.

– Merci, Général Sherman ! Quelles sont les dernières informations ? interroge le chêne majestueux.

– Les Hommes ont procédé à de grandes déforestations au Zimbabwe : plusieurs centaines de milliers de nos concitoyens ont été arrachés. De nouveaux programmes de construction ont démarré sur les plus belles côtes de la planète : les plages et les falaises sont défigurées. Des centaines d’avions sillonnent le ciel pour déverser des touristes dans le monde entier. De nombreuses espèces animales sont chassées et tuées. Les cours d’eau sont asséchés par l’irrigation intensive. La nature est désespérée : la banquise et les neiges éternelles du Kilimandjaro fondent de tristesse tandis que les glaciers du Mont-Blanc tentent de résister, répond le Général Sherman sur un ton soucieux.

Le Grand Chêne abattu par ces sombres nouvelles, se courbe pensivement, laissant tomber ses longues branches effilées sur le sol et résume d’une voix fatiguée :

– Nous avons lancé des ouragans, des tornades et des tempêtes tropicales dans plusieurs pays. Nous avons provoqué des inondations dévastatrices avec l’aide des rivières et des fleuves. Nous avons demandé aux mers et océans de créer d’impressionnants tsunamis pour nettoyer les côtes et les plages. Nous avons détruit une partie de ce que l’Homme a construit mais Il ne comprend toujours pas que nous sommes en train de mourir.

Tout à coup, il se redresse et proclame  :

– Nous devons continuer à nous battre pour arrêter ce gâchis !

Ces paroles lourdes de sens agissent comme un électrochoc sur chacun des arbres qui regardent le Grand Chêne d’un air interrogatif.

– Mes amis, il ne nous reste plus qu’une solution… commence le vénérable chêne.

Horrifié par ce discours, Ilan s’effondre brusquement.

Un souffle léger caresse le visage d’Ilan qui ouvre péniblement les yeux. Les battements de son coeur s’accélèrent lorsqu’il découvre le Grand Chêne penché sur lui. Dans un mouvement aérien, les branches tentaculaires saisissent le jeune homme et le relèvent doucement.

Une fois debout, Ilan ressent une puissante énergie qui ébranle tout son corps : ses bras s’allongent et se transforment en élégantes branches décorées d’un feuillage ciselé. Puis, ses pieds s’ancrent profondément dans le sol à tel point qu’il sent la lente respiration de la Terre. Enfin, sa peau durcit et se recouvre d’une fine écorce. Un splendide érable du Japon aux couleurs chatoyantes vient d’apparaitre.

Le Grand Chêne souriant révèle d’une voix profonde :

– Maintenant, Ilan, tu es l’un des nôtres !

Ilan regarde tour à tour les étranges espèces rassemblées autour de lui et bredouille :

– Comment ça je suis l’un des vôtres ! Allez-vous m’expliquer le sens de cette mutation ?

– Nous avons besoin d’un messager pour défendre notre cause, explique Quercus le Grand hésitant.

À ces mots, les dernières paroles du Grand Chêne surgissent comme un éclair dans l’esprit d’Ilan : « il ne nous reste plus qu’une solution : répandre le coronavirus sur toute la planète »

Ilan, ébahi, observe intensément le Grand Chêne et lui demande :

– Vous voulez vraiment déclencher cette effroyable épidémie ?  

Sans lui laisser la possibilité de répondre, il ajoute d’un ton accusateur :

– Vous allez tuer des milliers d’innocents…

– Personne n’est innocent ! Chacun agit et est responsable de ses actes ! s’agace Quercus en entendant les propos du jeune homme.

– Quercus ! interpelle Ilan. Je ressens votre douleur, votre tristesse et votre désespoir mais vous ne devez pas, vous ne pouvez pas provoquer cette pandémie.

 Ébranlé par les mots d’Ilan, il tente d’expliquer :

– Cette pandémie est notre dernière chance car pour lutter contre le virus les gouvernements de tous les pays devront confiner la population pendant plusieurs mois. 

Voulant persuader Ilan, Il poursuit :

– Ferme les yeux un instant et imagine : plus de voiture, plus d’avion, plus de pollution, les usines tournent au ralenti, le silence règne, la Nature reprend ses droits et resplendit à nouveau.

Ilan, bercé par les paroles du Grand Chêne, laisse son esprit vagabonder. Il rouvre doucement les yeux et déclare :

– Je transmettrai votre message aux Hommes. 

– Comment feras-tu pour les convaincre ? demande Quercus sceptique.

– Tu m’as dit que j’étais l’un des vôtres. J’ai ressenti votre douleur et votre souffrance. Je trouverai les mots pour alerter les hommes politiques. Je mènerai des campagnes de sensibilisation, je rencontrerai des écologistes et des chercheurs, je publierai des articles, j’organiserai des manifestations pour convertir le monde.

Reprenant son apparence humaine, Ilan se tourne vers Quercus et lui demande avant de partir :

– Pourquoi moi ?

– Ton prénom signifie arbre, répond le Grand Chêne avec un sourire malicieux.

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