drame - fiction sentimentale ou inspirée de faits réels

La tentation du Bip

Temps de lecture estimé : 4 minutes

Lise, au volant de son Audi A3, roule tranquillement sur la départementale 79 en fredonnant la dernière chanson de Sting. Ses pensées la ramènent à la réunion qui vient de se terminer. Ce projet publicitaire lui prend un temps fou. Elle maudit ce meeting de dernière minute qui l’a empêché d’accompagner Anna pour voir les résultats de son bac ! Elle est tellement déçue de ne pas être avec elle !

Anna était tellement stressée ce matin quand je suis partie. J’aurais pu la rassurer et la soutenir devant le panneau d’affichage. Elle manque tellement de confiance en elle. J’aurais posé tendrement mon bras sur ses épaules pour la soutenir.

Le bip de son portable la tire de sa rêverie.

Ce doit être Anna ! Où ai-je mis mon portable ? se demande t’elle nerveusement. Zut ! Je l’ai laissé dans mon sac ! Quelle idiote ! Si je l’avais posé devant moi, j’aurais pu jeter un œil sur le message !

Elle sait qu’elle ne peut pas regarder son téléphone tout en conduisant. Pourtant, son regard alterne entre la route et le sac. Elle résiste mais se sent irrépressiblement attirée par ce bip qui a retenti. A plusieurs reprises son regard est ramené vers le siège passager.

Quelques images des films de la sécurité routière lui viennent en mémoire.

Non, c’est trop dangereux, je ne dois pas le faire ! se raisonne t’elle.

Mais le portable bipe à nouveau augmentant impérieusement l’envie d’introduire sa main dans le cabas. 

J’aurai du le laisser en évidence, cela aurait été plus facile !

Et moins dangereux ! ajoute une petite voix.

Elle continue à regarder la route d’un œil distrait, puis son sac qui la nargue comme une gourmandise.

Je suis seule sur la route, personne en vue. Et puis, c’est une longue ligne droite. Je cale le régulateur sur 80 km/h. Je ne prends pas vraiment de risque se dit-elle pour se rassurer.

Ce sera rapide ! Juste un petit coup d’œil sur le message et l’attente sera finie ajoute une petite voix tentatrice. 

Avec un peu de culpabilité, elle commence à tirer fébrilement la fermeture éclair de son sac à main tout en gardant un œil sur la route. Elle cherche frénétiquement son téléphone.

Ah mais pourquoi ai-je pris un sac aussi grand ! se morigène t’elle.

Sa main tatonne, farfouille et soulève violemment les affaires qu’elle a entassées dans son cabas.

Ah le voilà ! Mais non c’est mon portefeuille! Mais où est-il passé ? se dit-elle rageusement.

A cet instant, elle détourne son regard de la route un peu plus longtemps et fait un écart. Elle donne un brusque coup de volant pour remettre la voiture dans la bonne voie. Elle a eu peur. Sous l’effet de l’adrénaline son cœur se met à battre fortement. Sa respiration s’accélère. Elle arrête ses recherches instantanément et se reconcentre sur sa conduite.

Je suis complètement folle ! Le message peut attendre ! 

Et si ça se trouve ce n’est même pas Anna renchérit la petite voix.

Mais, quelques minutes plus tard, un nouveau bip la ramène vers Anna et ses doutes.

Cette fois, elle replonge la main dans son sac sans même essayer de résister. Avec un sourire victorieux, elle brandit le portable comme si elle avait trouvé le Saint Graal.

Elle balaye rapidement l’écran du téléphone. Elle ne trouve pas le message. Elle continue à faire glisser son doigt sur l’écran à la recherche de la bulle blanche sur fond vert. Elle voit 4 messages et 2 appels manqués. 

Non ce n’est pas possible, elle ne peut pas l’avoir raté. J’étais tellement certaine de sa réussite ! J’avais mis une bouteille de champagne Veuve Cliquot au frigo pour fêter ses résultats avec quelques bulles bien fraîches ! Non je suis sure qu’elle l’a eu ! tente t’elle de se rassurer.

Soudain un choc violent l’arrache à ses pensées. Médusée, Lise ne réalise pas ce qui est en train de se passer. Elle regarde avec effroi un petit corps propulsé sur le pare-brise qui retombe sur le bitume comme un pantin désarticulé. Totalement abasourdie, elle fixe le corps inerte étendu sur la route.

Non ce n’est pas possible ! Comment ai-je pu ne pas voir cet enfant ? C’est un cauchemar. Je vais me réveiller.

Lise sort lentement du véhicule. Le coeur serré, les bras ballants, elle découvre avec horreur la petite fille qui git sur le sol. Incapable d’agir, elle reste figée tandis qu’un torrent de larmes inonde son visage. Son corps est secoué par d’intenses spasmes. Ses jambes flageolent.

Mon Dieu ! Mais qu’est-ce que j’ai fait ? 

Ses sanglots redoublent d’intensité, elle est prise de violents tremblements, elle convulse. Elle voudrait disparaitre, s’enfoncer sous terre et ne jamais refaire surface. Le poids de cette tragédie est tellement lourd que ses jambes cèdent. Anéantie, Lise s’effondre et perd connaissance.

A demi consciente, Lise entend une voix féminine dire avec inquiétude :

« Elle est en état de choc. Je ne sais pas si elle pourra répondre à vos questions. »

Sortant doucement de sa torpeur, Lise regarde autour d’elle.

Mais où suis-je ? s’interroge t’elle inquiète.

Elle observe l’endroit dans lequel elle se trouve : une chambre totalement blanche, des appareils qui bipent, une perfusion à son bras.

Pourquoi suis-je ici ? Que m’est-il arrivé ?

Tandis qu’elle réalise qu’elle est allongée sur un lit d’hôpital, un gendarme entre doucement dans la pièce. Avec calme et gentillesse, il lui demande : « Madame, je peux vous poser quelques questions ?« 

Lise acquiesce d’un signe de tête.

Le gendarme poursuit : « Pouvez-vous m’expliquer ce qui s’est passé ?« 

Mais de quoi parle t’il ? Pourquoi m’interroge t’il ?

Elle tente alors de lui répondre. Aucun son ne sort de sa bouche. Elle essaie encore mais rien ne se passe. Avec des yeux agrandis par l’angoisse, elle fixe le policier qui ne semble pas comprendre ce qui lui arrive. Alors, elle mime qu’elle écrit. Le policier lui tend un calepin et un crayon avec un sourire bienveillant. Elle les prend et note quelques mots qu’elle lui tend : Je n’arrive plus à parler.

Un commentaire

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *