Polar

L’énigme du livre tueur

Temps de lecture estimé : 5 minutes

Jean Parlieux

2 route de Paris

35000 Rennes

                                                                                                                        Commissariat de Police

                                                                                                                        Monsieur le Commissaire Lefaure

                                                                                                                        Quai des Orfèvres

                                                                                                                        75000 Paris

                                                                                                                        Rennes, le 10 mars 2008

Monsieur le Commissaire,

De retour d’Italie, je découvre stupéfait l’enquête d’Interpol sur la mort inexpliquée de nombreux érudits dans le monde. Cette enquête, actuellement au point mort selon la presse, m’a immédiatement interpelé car elle recoupe l’histoire de l’un de mes amis…

En quelques mots, voici le contexte :

Amateur de littérature, j’ai eu la chance de côtoyer et de rencontrer, lors de diverses conférences, le célèbre chercheur et professeur d’université Paul Leverkusen. Au cours de nos longues conversations, il m’a fait part de sa folle passion pour la Coena Cypriani. Ce livre précieux et rare, dont seuls soixante exemplaires ont été édités, renfermerait les secrets de la perfection du bonheur. Depuis quelques temps, Paul rêvait d’acquérir cet ouvrage afin de poursuivre ses recherches sur les soi-disants pouvoirs qu’il contenait. À chacune de mes visites, je constatais sa fébrilité et son excitation grandissantes. Son comportement me troublait. Je me demandais s’il n’allait pas sombrer dans la folie. Un matin, il m’a annoncé qu’il avait acheté la Coena Cypriani sur ebay. Puis, subitement, il a disparu.

Terriblement inquiet, je me suis rendu dans son appartement : tout était en place, aucune trace de violence. Mon regard errait dans les pièces à la recherche d’indices quand mes yeux se sont posés sur son ordinateur. J’ai remué la souris, la page d’ebay s’est ouverte sur le résultat de la vente : Paul a remporté les enchères à un prix exorbitant. Je n’en croyais pas mes yeux !

Intimement persuadé que sa disparition avait un lien avec ce livre, j’ai continué à fureter sur cette page et j’ai découvert le nom et l’adresse du vendeur, un certain Joël Anca qui vit à Rome. Il était précisé que le livre serait remis en mains propres. 

J’avais une première piste : mon ami était parti en Italie. Loin de me rassurer, cette information n’a fait qu’augmenter mon angoisse. J’ai donc pris la route pour Rome.

À l’adresse indiquée, pas de trace de Joël Anca mais une plaque dorée portant le nom de Religiosa. Après quelques recherches sur internet, j’ai appris que Joël Anca est le Président de cette organisation spécialisée dans la recherche sur les livres anciens. Aucune mention de la Coena Cypriani.

Pour en savoir plus, j’ai décidé de me poster devant l’immeuble et d’observer les allées et venues. Après plusieurs heures, mon attente a été récompensée. Paul est sorti du bâtiment. Était-ce bien lui ? Il lui ressemblait mais en même temps ce n’était pas la personne dont je me rappelais. Il avait vieilli : son corps était vouté, ses épaules affaissées, son pas lourd. Mais ce qui m’a le plus frappé, c’est son regard : il était à la fois hagard et effrayé. En me voyant, il a secoué la tête. Puis, il a jeté un coup d’oeil par dessus son épaule et m’a murmuré « va-t-en ! ». J’ai compris qu’en lui parlant, je nous mettais en danger alors je n’ai pas insisté. Avant de partir, je lui ai donné rendez-vous au café Capri. Paul est parti sans un mot. Je n’étais même pas sûr qu’il m’ait entendu.

Au café Capri, je me suis installé et j’ai attendu. J’ai perdu la notion du temps. Enfin, Paul a poussé la porte. J’ai éprouvé un immense soulagement. Mon ami s’est assis en face de moi, il a commandé un café et est resté silencieux. J’ai patienté. Je ne voulais pas le bousculer. Il semblait fragile et perdu. Après quelques minutes, il a commencé son récit d’une voix basse. Son histoire terminée, il a repris son souffle. Puis, il m’a regardé et m’a chuchoté « Aide-moi ! ». J’étais ému de le voir si désemparé. De toute évidence, il était conscient de cette emprise mais il ne parvenait pas à s’échapper. Sans hésiter, je lui ai répondu  qu’il pouvait compter sur moi.

En bref, au regard de mes investigations et de l’histoire de mon ami, voici mes conclusions concernant la Coena Cypriani : ce livre permet à Joël Anca d’entrer en contact avec des scientifiques réputés à qui il promet des découvertes exceptionnelles. Il les convie à un banquet semblable à celui de la Coena Cypriani et un endoctrinement commence. Personnage charismatique, Joël Anca organise, chaque soir, des conférences  Au cours de ses discours, il entraine ses nouveaux adeptes dans les labyrinthes de ses croyances. Privés de leur libre-arbitre, ces hommes passionnés adhèrent à toutes ses thèses, même les plus farfelues, et ferment leur esprit à toute analyse rationnelle. Outre le fait de vider leurs comptes en banque, Joël Anca s’arroge les fruits de leurs recherches dans le but d’obtenir le prix Nobel de littérature qui serait « la preuve de son puissant idéal ». Lorsqu’un scientifique ne lui est plus d’aucune utilité, il s’arrange pour le faire disparaitre. Aucun érudit ne possède le livre qui est exposé dans une vitrine. Nul ne sait si ce livre est une copie ou l’original, le mystère demeure… La Coena Cypriani n’est qu’un appât, il n’a jamais tué personne.

Grâce à ces informations, Monsieur le Commissaire, vous pourrez résoudre l’enquête sur la disparition des érudits, sauver mon ami et ses confrères, et démanteler la secte Religiosa.

Bien à vous,

Jean Parlieux, journaliste d’investigation.

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