drame - fiction sentimentale ou inspirée de faits réels

L’ivraie de l’écrivain

Temps de lecture estimé : 2 minutes

La feuille blanche pure et immaculée est installée là, devant moi, et m’intime l’ordre de l’inonder de délicates traces noires, bleues, rouges, vertes, de mots forts, de mots doux pour oublier mes maux. Elle me nargue, me provoque, m’envoute telle une sirène. Je largue les amarres pour en explorer la profondeur.

Le défi est là, immense et effrayant. Vais-je trouver les mots justes pour conquérir mes lecteurs et vider mon coeur ? 

Ecrire. Laisser ma plume suivre son chemin. Partir à l’aventure. Chercher ma perle rare. 

Je plonge dans les méandres de mon imaginaire en quête de la perle qui éclaboussera ma feuille de tout son éclat.

La perle parfaite n’est pas forcément la plus belle. Il faut trouver celle qui livrera son extrême beauté et qui me laissera libérer toute la puissance de sa source. 

J’explore tous les trésors amassés au cours de mes plongées livresques et consignés dans mes merveilleux carnets. Je cherche, je fouille pour débusquer celle qui renferme tant de secrets encore inexploités. Je me dois de lui rendre hommage, de l’amener à s’épanouir.

La mystifier est mon but principal.

Pourtant elle m’échappe, se libère de mon étreinte. Elle se noie, je ne parviens pas à la retenir à la surface.

Ma feuille reste désespérément blanche. Ma source d’inspiration est tarie. Je ressens une incommensurable frustration. L’horizon s’obscurcit. Je m’enfonce dans les abysses de mon esprit, mes pensées englouties par une mer démontée. Je suis submergée.

Je dois récupérer ma perle pour mieux lui redonner vie. J’inspire et j’expire pour retrouver ma sérénité et lâcher prise. Je ferme les yeux concentrée sur l’instant présent. Je sonde mon âme. Je m’imprègne de mes sensations. Je flotte dans un espace hors du temps. Mon esprit ondule, divague vers des océans lointains. Mes tensions se relâchent, mes sens sont en éveil et laissent libre cours à mon imagination. Les abysses s’éloignent remplacés par une eau limpide qui purifie mes pensées et délivre mon ivraie. 

Sous son impulsion, mes doigts s’agitent, s’impatientent, s’emparent d’un crayon et noircissent frénétiquement la feuille.

Pas de censure. 

J’écris, habitée d’un feu sacré. Les pages noircies s’accumulent au gré de ma plume. Mon labeur achevé, j’entasse ma prose sur le coin de mon bureau. Je m’étire pour dénouer mes muscles endoloris puis je m’immerge au coeur de mes esquisses manuscrites.

A la relecture jaillissent les désillusions de mon délire littéraire. Pourtant, j’entrevois, au milieu de la mer déchainée, un peu d’écume, germe d’une histoire.

Je m’en imprègne. Je la protège des vagues et des intempéries qui pourraient l’engloutir. Je la fais grandir jusqu’à ce qu’elle m’offre la coquille inexplorée.

Ma perle enfin trouvée, je la contemple, j’observe toutes ses facettes. J’établis un plan pour contenir le flot de mes idées et donner vie à la genèse perlée d’une histoire.

Le récit enfin achevé, je me dois de le revêtir de son plus bel atours pour attirer le lecteur dans mes filets et l’embarquer dans mon nouvel univers.

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