drame - fiction sentimentale ou inspirée de faits réels

Pas de championnat pour Lili !

Temps de lecture estimé : 5 minutes

Le médecin s’approche de Lili. Elle sursaute. Il est surpris. Il connait Lili depuis qu’elle est bébé. C’est une petite fille gaie, bavarde, pétillante. Mais aujourd’hui, Lili semble triste. 

– Bonjour Lili, commence le médecin d’une voix douce, comment vas-tu ?

La petite fille le regarde avec ses grands yeux bleus voilés de tristesse.

– Elle a mal au ventre depuis plusieurs jours, répond sa maman. Je ne sais plus quoi faire. Elle n’a pas de fièvre, elle ne vomit pas mais elle n’arrive pas à manger…

– Je vois… Tu fais toujours du patinage ? questionne le médecin.

– Elle ne veut plus y aller. Je ne comprends pas pourquoi. Elle a gagné les derniers championnats, poursuit la maman.

– Et toi Lili, tu ne dis rien, l’encourage le médecin.

Lili hausse les épaules et regarde ses chaussures d’un air boudeur.

– Hum… Je vois… Tu n’as pas envie de parler, constate le médecin songeur en se caressant la moustache.

Il hésite un instant ne sachant pas si son intuition est la bonne, puis il se lance :

« Tu sais, Lili, je suis un vieux docteur et j’ai soigné beaucoup d’enfants avant toi. Un soir, alors que je finissais ma journée, j’ai découvert une petite fille assise sur les marches de mon cabinet. Elle devait avoir le même âge que toi, je pense. J’étais un peu soucieux de voir une fillette toute seule à la nuit tombante, alors je lui ai parlé :

– Bonsoir jeune fille, comment t’appelles-tu ?

– Lucie ! s’est-elle exclamée avec un sourire.

– Qu’est-ce que tu fais là, assise toute seule ?

– J’attends ma maman, a-t-elle soupiré.

– Elle ne va surement pas tarder, l’ai-je rassuré.

– J’espère… Je dois aller à mon entrainement ce soir. Je vais être en retard, a-t-elle bougonné en mettant ses bras autour de ses jambes.

– Ce n’est pas bien grave, tu sais, ça arrive à tout le monde d’être en retard de temps en temps.

– Peut-être, mais mon entraineur, il aime pas ça. Il crie et il s’énerve si on est pas à l’heure, m’a-t-elle expliqué.

– Ah… il est sévère ton entraineur…

Elle m’a fixé en écarquillant les yeux comme si j’avais dit une bêtise et elle a déclaré :

– Si on veut être la meilleure, il faut s’entrainer dur.

– C’est ce qu’il t’a dit ?

– Oui… Quand je m’entraine bien, il est gentil, il me félicite, il me donne des bonbons et les autres sont jalouses.

– Et toi, tu as peur de ne plus être la meilleure ? C’est bien toi, la meilleure en ce moment, n’est-ce pas ?

– Oui c’est moi ! Et je veux toujours être la meilleure, a-t-elle conclu en relevant la tête avec fierté.

Sa maman est arrivée. Elle s’est éloignée en courant vers la voiture. Elle m’a fait un petit signe de la main.

Quelques semaines plus tard, je l’ai retrouvé devant mon cabinet.

– Bonjour Lucie, tu es encore là aujourd’hui ?

Elle a levé ses grands yeux vers moi. Elle semblait triste. Je lui ai demandé :

– Ta maman est encore en retard ?

Elle a haussé les épaules.

– Tu as perdu ta langue ? lui ai-je dit en lui faisant un clin d’oeil. Et ton sourire aussi apparemment !

Elle n’a pas répondu. Sa maman est arrivée. Elle a crié par la fenêtre :

– Dépêche-toi, Lucie, tu vas être en retard. Thomas ne va pas être content…

Lucie s’est approchée de la voiture en trainant les pieds. Elle s’est assise sur le siège arrière et m’a regardé par la vitre. Une larme brillait au coin de ses yeux.

Je suis rentré chez moi pensif. Cette petite fille m’inquiétait. Elle avait beaucoup changé en quelques jours.

Un jour, la sonnette de mon cabinet a retenti. Je n’avais pas de rendez-vous. Le dernier malade était parti depuis quelques minutes. Je me demandais qui pouvait bien sonner. Comme je mettais un peu de temps à aller jusqu’à la porte, la personne s’est mise à tambouriner. J’ai ouvert. Lucie se tenait devant moi. Son visage était inondé de larmes, ses cheveux tout emmêlés, ses vêtements froissés.

– Mais enfin, Lucie, qu’est-ce qui t’est arrivée ? me suis-je affolé en la dévisageant stupéfait.

Lucie semblait terrorisée. Elle s’est précipitée à l’intérieur en me bousculant et elle est allée se réfugier derrière mon bureau. Je l’ai suivie désemparé.

Elle était recroquevillée la tête dans ses genoux et elle pleurait. Je me suis accroupi. Je lui ai parlé doucement pour la rassurer. Elle hoquetait. Aucun mot ne sortait. Je me suis assis à côté d’elle et j’ai attendu qu’elle se calme.

Après quelques minutes, elle a commencé à me raconter son histoire. Elle ne voulait plus aller à l’entrainement. Elle avait peur de son entraineur. Il la suivait dans les vestiaires quand les autres étaient parties. Il la grondait quand elle n’avait pas bien patiné. Il serrait fort ses bras et la secouait en criant. Ensuite, il la prenait sur ses genoux pour la consoler. Elle n’aimait pas ça mais elle ne voulait pas le dire à sa maman. 

Quand elle a terminé son récit, j’ai prévenu sa mère. 

Quelques minutes plus tard, elle nous a rejoint :

– Mon Dieu, Lucie ! a-t-elle gémi en courant vers sa fille.

Elle a pris Lucie dans ses bras et, tout en lui caressant les cheveux, elle a murmuré :

Je suis là maintenant. Ça va aller. Je serai toujours là pour toi, tu sais. Je t’aime ma chérie. Ce n’est pas grave si tu n’es pas une championne. 

Des larmes brillaient dans ses yeux. Elle se sentait coupable de n’avoir rien vu.

Lucie s’est blottie contre sa maman. Elle était en sécurité. »

Le médecin, ému, se tait. Lili, troublée, regarde longuement le vieux docteur. Elle baisse la tête. Une larme glisse le long de sa joue. Bouleversée, Lili demande d’une toute petite voix :

– Pourquoi, tu me racontes tout ça ?

– Pour que tu saches que tu peux compter sur moi et sur ta maman…

Lili, soulagée, réfléchit quelques secondes, puis elle demande au docteur :

– Tu veux bien parler à ma maman…

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