Évasion virtuelle

Ézio, après avoir reçu sa dose d’ARN messager, est directement propulsé sur l’exoplanète Bélisama dominée par les androïdes. Ces nouveaux maitres de l’univers sélectionnent des humains et organisent régulièrement des marchés aux esclaves.

Ézio, comme tous ses concitoyens, est exposé dans la vitrine d’un concept-store. Les vitrines de ces magasins sont munies de capteurs et s’éclairent sur le passage des clients.

Tout en déambulant entre les devantures, Altéa et Lowen, deux androïdes, observent les humains à vendre. Ils ont tous la même apparence : leur regard gris acier est froid, vide et fixe. Leur peau gris-bleu est luisante et lisse. Leur visage est figé. Ils sont immobiles et inexpressifs. L’ADN messager a provoqué un court-circuit cérébral qui les a rendu dociles et soumis.

Tout à coup, la vitrine d’Ézio se met à clignoter. Une puissante lumière rouge s’allume au passage d’Altéa. C’est le signal. Ézio sera son esclave. Au même moment, la même chose se produit dans une autre vitrine tandis que Lowen se trouve face à Ashe. Les deux androïdes ravis rentrent chez eux avec leur serviteur.

Durant le trajet, Ézio découvre son nouvel univers : le sol est recouvert d’un sable gris ardoise et les buildings sont reliés entre eux par d’immenses passerelles en métal. De gigantesques tubes d’acier s’entremêlent dans l’espace. Aucune vie végétale ou animale, aucun bruit, aucun son. Le silence règne dans cette atmosphère étrange et triste. Dans les rues sombres, les habitants marchent à la même vitesse comme s’ils étaient sur des coussins d’air ou empruntent des pods ou des Hyperloop pour se déplacer. Les Hommes sont devenus des automates guidés par les androïdes.

Les semaines passent. Ézio se soumet à toutes les volontés d’Altéa. Il s’assure que rien ne lui manque et s’occupe avec soin de toute la maison. Chacun de ses faits et gestes est scruté et chaque soir, il est noté. Altéa, satisfaite de ses services, décide de lui offrir des lunettes de réalité virtuelle pour le récompenser de son comportement exemplaire.

Le soir même, Ézio, un peu hésitant, prend ses lunettes et les fixe sur ses yeux. Des images de la Terre défilent devant lui et ravivent des sensations oubliées. Un bonheur immense le submerge lorsqu’il redécouvre la planète bleue. Les couleurs chatoyantes des arbres et des fleurs, le chant des oiseaux, le miaulement du chat, l’aboiement du chien, le soleil, le ciel d’un bleu lumineux lui procurent un sentiment de bien-être. Dans ce monde merveilleux, il aperçoit des personnes souriantes qui bavardent. Parmi elles, la très belle Ashe. Il s’approche d’elle. Il lui sourit. Leurs regards se croisent et il se saluent d’une même voix. Un immense éclat de rire les emporte…

Mais brusquement, Ézio est renvoyé à Bélisama. Altéa lui a brutalement arraché les lunettes et lui dit d’un ton sec :

– Ça suffit pour aujourd’hui ! Je te les redonnerai plus tard !

Pendant un bref instant, Ézio a retrouvé sa vie d’avant. Il fera tout pour posséder à nouveau les lunettes. Il doit donc satisfaire Altéa s’il veut revoir ce bel univers, ses nouveaux amis et Ashe. Il est déjà dépendant ce qui rend le pouvoir d’Altéa plus puissant : elle a un moyen de pression sur lui.

Altéa a conscience de l’emprise qu’elle exerce sur Ézio. Elle joue avec son pouvoir en décidant des moments et du temps qu’il pourra passer avec ses lunettes. Quand il ne peut pas profiter de ces escapades, le visage d’Ézio se crispe et la souffrance se lit sur ses traits. Revoir la terre et se réimprégner des émotions refoulées lui redonne vie. Petit à petit, une forme de conscience renait accompagnée d’une sorte d’instinct de survie qui le pousse à voler les lunettes.

Ainsi, dès qu’il le peut, Ézio rejoint Ashe et ses amis du monde virtuel. Ils discutent, ils rient, ils chantent, ils dansent, ils partagent de délicieux repas et refont le monde autour d’un verre de vin. Ézio et Ashe se rapprochent au fil des mois. Leur complicité grandit en même temps que leurs sentiments. Ézio voudrait vivre pleinement cet amour naissant et reprendre sa vie sur terre. Ces merveilleux moments virtuels sont toujours trop courts. Ashe et Ézio ont du mal à se quitter. Ils évoquent souvent la fin de la domination androïde et réfléchissent à leur évasion. La révolte gronde de plus en plus fortement. Mais, ils ne peuvent pas à s’échapper car dès qu’ils enlèvent leurs lunettes, ils ne savent plus communiquer. Leur cerveau est à nouveau en court-circuit. Un jour, ils trouveront le moyen de s’évader et de s’affranchir des androïdes. 

Soudain, Ézio perçoit un son lointain et strident. Le bruit se rapproche mais ses paupières sont lourdes. Il se sent perdu. Petit à petit, il reprend pied et ouvre doucement les yeux.

– Où suis-je ?  

Il se lève lentement, se dirige vers la fenêtre, ouvre le volet. Avec un immense plaisir, il voit le bleu du ciel, les arbres, les fleurs. Il écoute avec délice le chant des oiseaux. Rassuré, il inspire l’air frais.

– Ouf ! Ce n’était qu’un cauchemar ! pense-t-il en souriant. Allez assez trainé où je vais être en retard.

Avant de partir, Ézio s’arrête un instant sur le pas de la porte pour se délecter de la caresse du soleil, puis il monte dans sa voiture et programme son GPS : direction le centre de vaccination.

Lexique :

• Pod : moyen de transport modulaire
• Hyperloop : lévitation magnétique qui utilise des tubes sous-vides pour les déplacements. Il peuvent atteindre 1000 km/h.
• Bélisama : nom de l’exoplanète HD8574b (retenu par les Français) qui se situe à environ 150 années-lumière du système solaire