drame - fiction sentimentale ou inspirée de faits réels

La promesse d’un baiser

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Un étrange silence règne dans les rues de Paris. La population confiante un jour, découragée le lendemain est exaspérée et épuisée. Une attente fébrile et une colère sourde se sont installées dans les rues presque désertes. Mais depuis quelques jours, La rumeur enfle. À quand la libération ? La chaleur est suffocante en ce mois d’Août 1944 quand les premières jeeps entrent dans la capitale. Le ronron des véhicules militaires sonne comme un coup d’envoi pour la foule qui, instantanément, envahit les Champs Élysées.

Vite, il faut que je me fasse belle. Je plonge dans ma penderie pour dénicher la tenue idéale : un chemisier blanc et bien sûr, la cocarde bleu-blanc-rouge ! Et avec ? Tiens ma jupe paysanne avec sa corolle de couleurs vives qui virevolte au rythme de mes pas. Parfait ! Avant de partir, un dernier coup d’oeil dans le miroir : mes longs cheveux bruns tombent en cascade sur mes épaules et mes yeux noisette pétillent. Je me sens belle et séduisante. Un petit tour sur moi-même et la jupe s’envole laissant entrevoir mes longues jambes fuselées. Pas une minute à perdre, je dévale l’escalier et je rejoins la foule hystérique qui surgit de toutes parts pour admirer les soldats qui remontent notre belle avenue. 

Des drapeaux tricolores fleurissent aux fenêtres et dans les rues pour saluer le courage de ses hommes qui se sont battus pour notre liberté. La colonne militaire se fraye difficilement un chemin dans cette joyeuse bousculade. Bouleversée par cette liesse, j’observe en souriant, les hommes, les femmes et les enfants qui agrippent les soldats, qui tentent de monter sur les chars, ou qui leurs sautent au cou. Noyés dans cette marée humaine, les GI sont beaux dans leur uniforme beige, les joues rougies par tous ces baisers. 

Tandis que je contemple cet euphorique défilé, je sens un regard appuyé dans mon dos : un sublime soldat, une cigarette aux lèvres, passe devant moi et me sourit gentiment. Nos regards se croisent. Il me dévisage malicieusement. Un frisson me parcourt m’électrisant du bas des reins jusqu’à la nuque. Je suis fascinée par cet homme. Mon coeur bat plus vite. Son regard profond me déshabille nonchalamment. Des petits papillons s’envolent dans mon ventre. Incapable d’avancer, je regarde le char s’éloigner lourdement. Je tends la main vers lui comme pour le retenir. 

Non ! Je ne dois pas le laisser partir. Je fends la foule d’un pas rapide tout en bousculant les gens qui obstruent mon passage. Je m’arrête quelques secondes pour reprendre mon souffle. Je manque vraiment d’exercice ! Les mains posées sur les genoux je regarde devant moi : Ouf ! Le char ralentit, il est bloqué. Oh non ! il redémarre et me distance à nouveau. Au loin, je vois mon beau soldat américain disparaitre au milieu de cet essaim bourdonnant.

Tout à coup, je sursaute, il est là devant moi. Ses cheveux blonds, son regard de braise, son teint hâlé me font vaciller.  Il est grand et fort. Je tremble d’émotion. Mes jambes flageolent. Mes joues rougissent de plaisir. La veine de mon cou palpite. J’ai tellement envie de me blottir dans ses bras. Il s’approche de moi. Son souffle chaud balaye mon visage. Il prend délicatement ma main et m’attire vers lui. Je n’ai qu’une envie qu’il pose ses lèvres sur les miennes. Mes yeux sont fixés sur sa belle bouche charnue qui m’attire comme une gourmandise. Il me regarde langoureusement puis se penche doucement. Il effleure mes joues, mon front, mon cou. Je ferme les yeux et je savoure chaque seconde tandis que sa main caresse mes cheveux. Je suis au supplice. J’ai besoin d’air et pourtant, je me sens tellement vivante. J’entrouvre la bouche instinctivement. Lorsque ses lèvres se posent enfin sur les miennes, une irrésistible vague de désir me submerge. Je glisse mes mains dans ses cheveux. Il me serre contre lui et s’accroche à moi comme un naufragé qui retrouve la terre ferme. Je perds la notion du temps. Le monde autour de moi est en suspens. Seules comptent ses lèvres et ses mains qui explorent mon corps. Ses caresses m’emportent dans des méandres inconnus.

Soudain, une puissante détonation brise notre étreinte et nous sort brutalement de notre bulle. Les yeux enfiévrés, les lèvres boursouflés, il cherche son char du regard. Il se tourne vers moi et me dit avec son bel accent américain : « Je m’appelle Jack. Je suis dans la quatrième division d’infanterie du Général Barton. Rendez-vous ici ce soir »

Éperdue, je le regarde disparaitre tout en caressant mes lèvres endolories par ses baisers passionnés. Je reviendrai, ce soir, le coeur plein d’espoir.

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