Fantastique - Fantasy - Science fiction

La malédiction d’Apollon

Temps de lecture estimé : 4 minutes

À la mort de ses deux petits-cousins régnant sur Thèbes, Laïos accède au trône et épouse Jocaste. Ces noces royales attirent de nombreux nobles et paysans chargés d’or qui viennent déposer des offrandes aux pieds de ce nouveau roi et de sa belle épouse. Durant plusieurs jours, la cité est en effervescence et les époux se délectent de ces instants de gloire. 

Parmi les badauds, se trouve une jeune femme à la peau laiteuse et richement vêtue. D’une voix douce mais ferme, elle s’adresse au premier garde qu’elle rencontre :

– J’ai un message urgent pour votre nouveau roi, Laïos. Conduisez-moi auprès de lui.

– Qui êtes-vous ? réplique le garde lourdement armé.

– Je suis l’oracle de Delphes.

– Comment puis-je en être sûr ?

– Apollon m’a remis son emblème, riposte l’oracle en lui présentant une lyre miniature.

– Oh ! s’exclame le garde. Suivez-moi.

Quelques minutes plus tard, Sibylle, prêtresse d’Apollon et prophétesse, est introduite dans l’immense salle du trône. Le garde murmure quelques mots à l’oreille de Laïos qui déclare :

– Bienvenue à toi belle prêtresse. Quel est ton message ?

Après une grande révérence, la prêtresse regarde intensément Laïos et proclame :

– Laïos, après avoir été chassé de Thèbes par vos petits-cousins, vous avez trouvé asile auprès du roi de Sipyle, Pélops, qui vous a confié l’éducation de son fils. Mais vous avez trahi sa confiance en abusant de l’innocence de Chrysippe. Accablé de honte, il s’est pendu. Pour le venger, le roi a appelé sur vous la malédiction d’Apollon. 

À ces mots, Laïos pâlit et un rictus amer apparait sur son visage.

– Continue ! ordonne-t-il.

– Si, de ton union avec la reine Jocaste, nait un héritier mâle, il tuera son père et épousera sa mère !

Après le départ de la prêtresse, Laïos et Jocaste se retrouvent seuls :

– Qu’allons-nous faire ? questionne Jocaste tourmentée.

– Je pense que nous n’avons pas vraiment le choix. Vous ne devez pas avoir d’enfant, dit Laïos d’une voix dure. C’est la seule manière d’être sûr que la prophétie ne se réalisera pas.

– Mais c’est impossible ! s’offusque Jocaste en regardant son époux quitter la pièce d’un pas décidé.

Pour éviter toute tentation et tout contact avec sa jeune et belle épouse, Laïos décide de partir à la conquête de nouvelles terres. Pendant de longs mois, le roi reste éloigné de Thèbes. De temps à autre, il revient chargé de gloires et fier de ses grandes victoires. À chaque retour, il évite soigneusement de rencontrer Jocaste qui se morfond dans son palais doré. De plus en plus seule, elle se languit d’être enfin honorée par son valeureux mari. Son désir d’enfant se fait de plus en plus pressant. Décidée à le combler, elle échafaude un plan pour se retrouver auprès du roi lors de son prochain séjour au palais.

Le roi revient enfin à Thèbes. Jocaste, déguisée en servante, se glisse dans la salle des guerriers et met en avant tous ses atours pour séduire le roi. Les mois de guerre sont longs et l’absence de femmes se fait sentir. L’alcool coule à flots et Laïos découvre avec plaisir cette ravissante personne qui lui dévoile tous ses charmes. Son appétit pour cette jeune femme pulpeuse et sensuelle augmente ardemment au fil des heures. Ivre de bons vins et les pensées embrumées, il attire la belle servante dans un coin sombre et prend possession de ce corps plein de promesses. Au petit matin, il quitte à nouveau le royaume sans se préoccuper de ceux qu’il laisse derrière lui.

Rapidement, Jocaste sait qu’elle est enceinte. Heureuse et comblée de sentir ce petit être grandir en elle, elle attend avec angoisse et impatience le retour de son époux.

Laïos n’a pas le temps de mettre pied à terre qu’un garde vient le prévenir que Jocaste souhaite lui parler. Agacé à l’idée de cette entrevue, il se dirige vers les appartements de la reine.

– Bonjour ma chère, comment vous sentez-vous aujourd’hui ? commence-t-il avec un sourire forcé.

– Très bien ! Merci ! Et vous-même ? 

– Bien, bien… Vous souhaitez me parler, poursuit-il pressé de retrouver ses compagnons d’armes.

– J’ai une merveilleuse nouvelle, dévoile-t-elle avec un sourire radieux tandis que Laïos fait les cent pas dans la pièce.

– Ah… et quelle est cette nouvelle ?

– Nous allons avoir un enfant ! 

– Non, c’est impossible, hurle-t-il. Nous n’avons jamais….

Jocaste lui avoue alors l’identité de la belle servante. Laïos, fou de rage, la saisit par le bras et le serre fortement en ordonnant :

– Vous devez faire passer l’enfant !

– Mais si c’est une fille, tente de le calmer Jocaste, la prophétie sera caduque. 

Laïos arpente la pièce de long en large tout en observant la reine d’un œil noir. La mâchoire serrée, il vocifère :

– Nous ne pouvons pas savoir, donc l’enfant doit mourir avant de voir le jour.

– Non ! Je vous empêcherais de le tuer, rétorque Jocaste en s’échappant et en claquant violemment la porte.

Laïos se jette sur la lourde porte en bois et tente de l’enfoncer à plusieurs reprises avec l’aide des gardes. 

– Ouvrez cette porte !

– Non ! Je resterai enfermée ici jusqu’à la naissance de notre enfant.

Laïos se sent trahi. Furieux, il repart au combat en espérant périr au cours des luttes acharnées.

Quelques mois plus tard, Jocaste met au monde une magnifique petite fille qu’elle prénomme Antigone.

Au retour de Laïos, le couple royal présente Antigone aux Thébains. Au-dessus de la foule rassemblée, plane l’ombre furtive d’un homme à la barbe dense et grisonnante qui murmure en se frottant pensivement le menton :

– Avec cette histoire revisitée, mes recherches et ma théorie du complexe d’Œdipe ne verront jamais le jour. 

Flegmatique, Freud s’évapore méditant déjà sur une nouvelle hypothèse.

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