drame - fiction sentimentale ou inspirée de faits réels,  Polar

L’ombre d’un doute

Temps de lecture estimé : 4 minutes

Ma mère, Kathleen, a rencontré Michaël Peterson en 1989. Un véritable coup de foudre. Je ne l’avais jamais vu aussi heureuse et épanouie. Très rapidement, ils ont décidé de vivre ensemble puis de se marier. Nous formions une famille recomposée idéale. Une grande complicité m’unissait aux deux fils de Michaël, Todd et Clayton, ainsi qu’à ses deux filles adoptives, Margaret et Martha. Nous vivions tous très heureux dans notre somptueux pavillon à Durham en Caroline du Nord. Lorsque mon téléphone sonne la nuit du 9 décembre 2001, l’angoisse me submerge mais je suis loin d’imaginer ce que la police va m’annoncer… 

Encore à moitié endormie, j’écoute la voix atone du policier : «Caitlin Atwater ? J’ai une mauvaise nouvelle… votre mère a été retrouvée morte cette nuit. Selon les premières constatations, il s’agit d’un accident». Sous le choc, je regarde mon téléphone d’un air hébété. Non c’est impossible, ce doit être une erreur. Ma mère ne peut pas mourir ainsi. Les paroles du policier tourbillonnent dans ma tête comme un ouragan. Au bout d’un temps qui me semble être une éternité, je me lève et je m’habille. Je dois aller à Durham…

Quelques heures après l’annonce de cette terrible nouvelle, j’arrive devant notre maison. J’entre doucement. Un douloureux silence règne à l’intérieur. À proximité de l’escalier, je vois une mare de sang séché. Incapable de réagir, je fixe cette immense tache rouge et une vague de chagrin me transperce. Je m’effondre secouée par de violents sanglots. Alerté par mes larmes et mes cris, Michaël se précipite. Il est décomposé. Ses cheveux hirsutes et son regard vide révèlent à quel point la nuit a été difficile. Il s’assoit près de moi, me prend la main et nous restons là de longues minutes sans dire un mot. 

Tout à coup, quelqu’un frappe à la porte et nous sort de notre prostration.

Michaël se lève pour aller ouvrir. Le procureur, James Hardin, se tient devant lui et dit : «Michaël Peterson, vous êtes mis en examen pour le meurtre de Kathleen Peterson. Vous avez le droit de garder le silence….»

Ces mots me frappent comme un coup de poing. «Le sort s’acharne contre notre familleJames Hardin semble tenir sa vengeance sur celui qui l’a fustigé dans la presse» songe-je dévastée. Je regarde Michaël s’éloigner avec le procureur. Son dos courbé, ses bras ballants, il porte sur ses épaules le malheur qui nous frappe tous.

«C’est injuste !» me dis-je avec colère. «Nous devons faire bloc pour affronter cette épreuve. Aidé par le brillant avocat, David Rudolf, Michaël sortira de ce traquenard» me persuade-je.

Quelques jours après l’arrestation, l’enquête commence. L’accusation est focalisée sur les relations entre ma mère et Michaël. «Pourquoi ?» pense-je troublée.

Quand soudain, le rapport de l’accusation tombe : des images pornographiques et des mails envoyés à des prostitués masculins ont été retrouvés sur l’ordinateur de Michaël. 

«Non ce n’est pas vrai ! Ce n’est pas Michaël ! Il a trahi et trompé ma mère durant toutes ces années en menant une double vie ! Comment a-t-il pu nous faire ça ?» me demande-je sidérée. Mais les faits sont là, tangibles et provoquent une véritable explosion qui fait voler ma vie en éclat.

«Je dois m’éloigner, prendre du recul et me protéger. J’ai besoin de temps pour digérer cette information» songe-je désemparée.

Je repense avec nostalgie à tous les moments que nous avons partagés et à la lumière de ces nouveaux faits, Michaël m’apparaît comme une personne arrogante, trop sûre de lui, ambivalente, complexe et surtout habile avec les mots. Un brin manipulateur en somme ! 

Je me range alors du côté de l’accusation et je découvre avec stupeur les circonstances de la mort d’Elisabeth Ratliff, amie de Michaël et de sa première femme Patty, mais surtout mère biologique de Margaret et Martha ! Dix-huit ans plus tôt, Elisabeth a été retrouvée morte au pied de son escalier. Michaël est la dernière personne à l’avoir vue. Cette histoire est complètement hallucinante. Je crois lire le rapport d’expertise de la mort de ma mère ! Quand je pense qu’il a adopté ses deux filles mais quelle perversité ! Michaël, «le tueur de l’escalier», cette idée est glaçante et m’effraye. 

Une véritable tornade s’empare de mes pensées bousculant toutes mes certitudes. J’ai de plus en plus de mal à rester calme durant les audiences. La colère enfle comme un volcan prêt à exploser : je veux que la justice condamne cet homme.

J’observe Michaël qui, jour après jour, s’enferme dans le silence. Son visage est impassible. Il semble indifférent voire insensible. S’il est innocent, il doit se battre, crier sa vérité, se révolter. Mais non ! Il semble serein. Je ne peux plus supporter de le voir ainsi, lui vivant et ma mère morte. Il doit payer pour toute la souffrance qu’il nous a infligé.

Tous les jours, j’imagine le film de cette soirée : je suis sûre que, même si ma mère avait un peu bu et pris des médicaments, une simple chute ne peut pas expliquer la quantité de sang retrouvée sur le sol et les vêtements de Michaël. Pour moi, la théorie de l’accident ne tient pas. Mais lorsque la défense prend la parole, mes convictions vacillent : certaines incohérences persistent dans le dossier. Les nombreux témoignages et les contre-expertises montrent que la culpabilité de Michaël n’est pas si évidente.

Au moment du verdict, je suis perplexe. Cet homme est une énigme. 

Enfin, le jugement tombe : «Accusé, levez-vous ! Après délibérations, les jurés vous ont reconnu coupable du meurtre de Kathleen Peterson. Vous êtes condamné à la prison à perpétuité»

Curieusement, je n’éprouve aucun soulagement. Abasourdie, j’observe Michaël : menotté, il se tourne vers ses enfants et leur murmure «Ça va aller ! Ne vous inquiétez pas !». Ensuite, il me regarde. Dans ses yeux, je lis son désespoir mais aussi sa tendresse et son pardon. Puis, il part sans se retourner laissant, à nouveau, planer l’ombre du doute…

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